Études en communication : aspects épistémologiques, méthodologiques et critiques

psychanalyse et cinéma

frères jumeaux

1895

les frères Lumières font breveter en février 1895 une invention qu’ils appellent cinématographe

c’est aussi l’année où Freud et Breuer font paraître les Etudes sur l’hystérie qui consacrent l’avènement de la psychanalyse.

la notion de représentation pour Freud

une figuration, au sens freudien de mise en image du latent, darstellung, présentation

une représentation, au sens freudien de tenir lieu de, vertreten, venir à la place de, au même titre qu’un élu représente ses électeurs

une représentation au sens de vorstellung, manière de se représenter quelque chose le plus souvent inconsciemment

Freud et la création littéraire

Freud parlait en termes très élogieux de certains artistes comme les poètes et les romanciers  :

« …les poètes et les romanciers sont de précieux alliés, et leur témoignage doit être estimé très haut, car ils connaissent entre ciel et terre, bien des choses que notre sagesse scolaire ne saurait encore rêver. Ils sont dans la connaissance de l’âme, nos maîtres à nous, hommes vulgaires, car ils s’abreuvent à des sources que nous n’avons pas encore rendues accessibles à la science ».

(Délire et rêves dans la « Gradiva » de Jensen, 1907, p. 127)

plus loin, dans le même texte, il insistait en parlant de « ces plus profonds connaisseurs de l’âme humaine que nous sommes accoutumés à honorer dans les poètes » (p. 129).

le cinéma vu par la psychanalyse

en 1916, un psychologue de Harvard, Hugo Münsterberg applique au cinéma une analyse psychologique

« Il suggère que le cinéma reproduit plus ou moins les mécanismes de la pensée et plus fortement que les autres formes narratives habituellement utilisées pour raconter des histoires »

 

La réalisation de films obéit aux mécanismes qui régissent notre inconscient, l’onirisme se présente comme critère absolu dans l’évaluation qualitative d’une oeuvre d’art et comme finalité suprême du cinéma.

réciprocité d’influences — à parts égales — entre le rêve et le film, il accorde

préséance aux processus inconscients source d’inspiration et d’étalon de mesure pour le film.

Paul Ramain, « Le film peut traduire et créer le rêve », Cinéa-ciné pour tous, no 67, 1926, p. 10-14.

 

dans les Cahiers du cinéma (n° 223), pour la première fois en 1970, un film fera l’objet d’un travail de psychanalyse appliquée

Vers sa destinée (1939) de John Ford dans lequel, jeune avocat de campagne, Abraham Lincoln incarné par Henry Fonda sauve du lynchage deux frères accusés de meurtre

tendance à concevoir le film comme espace d’expérimentation permettant d’éprouver la pertinence des thèses freudiennes

ressemblance entre film et rêve

Francesco Casetti dans son livre sur Les théories du cinéma, mentionne

« l’heureuse définition du cinéma comme usine à rêves, qui revient dans les années vingt et trente avec beaucoup d’insistance » (p. 49)

« machine à la fois moderne et ancestrale, le cinéma permet de nous photographier nous-mêmes, nos mouvements intérieurs, nos pulsions, nos attitudes et notre compréhension du monde » (p. 57)

Serge Lebovici dans un article publié en 1947 sous le titre «Psychanalyse et Cinéma» avait montré combien le film est un moyen d’expression très proche de la pensée onirique

Comme le langage cinématographique, écrivait-il, « le rêve est un ensemble presque exclusivement visuel » et « Comme dans le rêve, les images filmiques ne sont unies ni par des liens temporels, ni par des liens spatiaux solides et logiques » (p. 50)

 

Edgar Morin dans Le cinéma ou l’homme imaginaire (1956) analysant la participation affective du spectateur en terme de projection-identification, écrit :

« le cinéma, c’est exactement cette symbiose : un système qui tend à intégrer le spectateur dans le flux du film. Un système qui tend à intégrer le flux du film dans le flux psychique du spectateur » (p. 107)… « au point de devenir archives d’âmes » (p. 221)

Christian Metz dans les années 1970

« machine à produire de l’imaginaire »

le concept de projection

André Bazin : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs »

Le Mépris s'ouvre sur une phrase d'André Bazin : "le cinéma substitue à nos regards un monde qui s'accorde à nos désirs (cette phrase attribuée par Godard à André Bazin, est en fait, sous une forme légèrement différente "le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs" de la plume de Michel Mourlet dans son article Sur un art ignoré publié dans le n° 98 des Cahiers du cinéma)

assez analogue à la définition que donnent Laplanche et Pontalis de la projection dans Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, Paris, 1984.

tendances méthodologiques

« formaliste »

établir un rapprochement entre les mécanismes du film et les mécanismes inconscients

certains procédés filmiques, comme le fondu enchaîné ou la surimpression

procédés qui régissent le travail du rêve, comme le déplacement ou la condensation, explicités par Freud dans la Traumdeutung

découvrir dans les procédés du langage filmique une réédition des mécanismes sur lesquels se construisent les rêves, les lapsus, les fantasmes et autres productions inconscientes

«interprétative»

du contenu des films à travers la grille de lecture offerte par la théorie psychanalytique et ses grands thèmes destinés à rendre compte de la constitution du sujet, le plus connu étant le complexe d’Oedipe

repérer les motifs, mythes, schémas et autres structures psychiques à l’oeuvre dans la diégèse filmique

afin de mettre au jour son contenu profond (le contenu latent), ce « sous-texte » étant considéré comme aussi signifiant, si ce n’est plus, que le contenu filmique explicite et apparent (le contenu manifeste)

bibliographie

METZ, Christian, Le signifiant imaginaire : psychanalyse et cinéma, Ed : Union Générale d'Editions, Coll 10/18, 1977. (plan de l'ouvrage et citations)

Pireaux, Jean-Pierre, «Psychanalyse et Cinéma» dans La revue belge de psychanalyse, no 44, 2004.

Berton Mireille «Freud et l’« intuition cinégraphique » : psychanalyse, cinéma et épistémologie» Cinémas : revue d'études cinématographiques, Volume 14, numéro 2-3, Printemps 2004, p. 53-73.

ZIZEK, Slavoj, sous la direction de, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Lacan sans jamais oser le demander à Hitchcock, Traduit par Marie-Mathilde Burdeau, Capricci Editions, 2010, 328 p.

McGowan, T. et Kunkle, S. (2004). Lacan and contemporary film. New York : Other Press.

 

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