Études en communication : aspects épistémologiques, méthodologiques et critiques

épistémologie de la révélation

TIMÉE/52c-53c

Traduction latine de Calcidius, philosophe néoplatonicien et sans doute chrétien du Ve siècle de notre ère

Haec est meae quidem sententiae mens esse et ante mundi quoque sensilis exornationem fuisse tria haec: existens locum generationem. Igitur generationis nutriculam humectatam modo, modo ignitam, terraeque item et aeris formas suscipientem ceterasque pedissequas passiones perpetientem omiformem visu videri; quod tamen privatim neque similibus viribus neque exaequatis potentiis instruatur, nihil esse eius aequale, sed undique vergentem et in pronum vel absonum praeponderantem agitari quidem materiis agitantibus invicemque reciproco pulsu pulsare atque agitare materias. Ex quo fluctu turbatas materias in diversa raptari discernique a se, perinde ut quae in frumenti purgatione pistoriis instrumentis motu et excussione discerni videmus, gravia quidem et solida seorsum, tenuia vero et levia in aliam partem; sic illa quattuor velut in euripo fluctuante iactari vel machina quadam facta ad motus ciendos dissimillima quaeque a dissimillimis plurimum, aliqua vero similitudine sociata nequaquam disparari proptereaque sedibus fuisse divisa ante mundi scilicet exornationem. Ac tunc quidem erat huius modi rationis expers rerum inordinata confusio, sed ubi cuncta redigi ad modum placuit, ignem primo terramque et aera atque aquam continuavit opifex deus, non talia ut nunc sunt, sed quae praeferrent elementorum vestigia in eo squalore ac deformitate qui apparet in his quibus divina deest prospicientia; nunc vero singulis luce ac specie tributa numerus quoque illustratorum omnium genituram sequebatur pulchris omnibus ex non talibus quondam institutis.

Traduction française de Émile Chambry (1864 — 1938)

Prenez donc ceci pour le résumé de la doctrine que j’ai établie d’après mon propre jugement : l’être, le lieu, la génération sont trois principes distincts et antérieurs à la formation du monde. Or, la nourrice de ce qui naît, humectée et enflammée, recevant les formes de la terre et de l’air et subissant toutes les modifications qui s’ensuivent, apparaissait sous des aspects de toute espèce. Et parce que les forces dont elle était remplie n’étaient ni égales ni en équilibre, elle n’était en équilibre en aucune de ses parties ; mais ballottée inégalement dans tous les sens, elle était secouée par ces forces et leur rendait secousse pour secousse. Emportés sans cesse les uns dans un sens, les autres dans l’autre, les objets ainsi remués se séparaient, de même que, lorsqu’on agite des grains et qu’on les vanne avec des cribles et des instruments propres à nettoyer le blé, ce qui est épais et pesant va d’un côté, ce qui est mince et léger est emporté d’un autre, où il se tasse. Il en était alors de même des quatre genres secoués par leur réceptacle ; remué lui-même comme un crible, il séparait très loin les uns des autres les plus dissemblables, et réunissait autant que possible sur le même point les plus semblables ; aussi occupaient-ils déjà des places différentes avant que le tout formé d’eux eût été ordonné. Jusqu’à ce moment, tous ces éléments ne connaissaient ni raison ni mesure. Lorsque Dieu entreprit d’ordonner le tout, au début, le feu, l’eau, la terre et l’air portaient des traces de leur propre nature, mais ils étaient tout à fait dans l’état où tout se trouve naturellement en l’absence de Dieu. C’est dans cet état qu’il les prit, et il commença par leur donner une configuration distincte au moyen des idées et des nombres. Qu’il les ait tirés de leur désordre pour les assembler de la manière la plus belle et la meilleure possible, c’est là le principe qui doit nous guider constamment dans toute notre exposition.

Traduction française de Victor Cousin (1792 - 1867).

Voici donc en peu de mots quelle est ma pensée : il existe, et il existait avant la formation de l'univers trois choses distinctes : l'être, le lieu, la génération. La nourrice de la génération, humectée, enflammée, recevant les formes de la terre et de l'air, et subissant toutes les modifications qui se rapportent [52e] à celles-là, apparaissait sous mille aspects divers : et comme elle était soumise à des forces inégales et sans équilibre, elle était 160 sans équilibre elle-même, poussée de tous côtés et irrégulièrement, recevant des corps une impulsion qu'elle leur rendait à son tour. Cette impulsion leur imprimait des mouvements différents, et les séparait les uns des autres; et de même que quand on agite des grains, et qu'on les vanne, soit dans un van ou dans un autre instrument propre à nettoyer le blé, [53a] tout ce qui est épais et pesant tombe d'un côté, tandis que les parties les plus petites et les plus légères sont emportées ailleurs ; ainsi les quatre espèces de corps étant mis en mouvement par l'être qui les contenait, et qui était lui-même agité comme un instrument propre à vanner du grain, les parties les plus différentes se séparaient les unes des autres, et les plus semblables se portaient vers le même lieu, de sorte que chacun de ces quatre corps occupait une place séparée, avant que l'univers fût formé de leur assemblage. Auparavant, tout était sans raison et sans mesure ; [53b] et à la formation de l'univers, le feu, l'eau, la terre et l'air, qui présentaient déjà l'aspect propre à chacun d'eux, se trouvaient cependant dans l'état où doit se trouver tout être dont Dieu est absent ; il les prit dans cet état, et introduisit l'ordre au milieu d'eux pour la première fois, par le moyen des idées et des nombres. Dieu les tira de l'imperfection où ils étaient, pour les rendre aussi beaux et aussi parfaits que possible : que ce soit là notre principe constant dans tout ce qui va suivre.

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