Stratégies de dramatisation

Intrigue et interactivité

Récits linéaires vs interactifs

Le récit littéraire et le récit filmique reposent sur la conception d'une intrigue prévue par un auteur, qui se déplace sur une ligne de temps en des points pré-définis, les événements, de façon à former une expérience dramatique cohérente, intéressante et émouvante ou divertissante.

C'est un design global imposé sur le monde fictionnel de haut en bas : du projet dramatique à chacune des actions des personnages.

L'intrigue aristotélicienne est construite autour des personnages. Leur esprit est présenté comme le théâtre de passions incontrôlables et leur destin comme une bataille contre les forces aveugles de la destinée.

Le récit interactif est plutôt le résultat d'un processus dynamique d'interaction entre un « schéma narratif » (une proto-intrigue) proposé par le concepteur et l'interacteur qui actualise ce schéma pour produire un récit particulier.

Les actions des personnages à l'intérieur du monde fictionnel construisent l'intrigue de l'intérieur, c'est une vision vers l'avant.

L'oeuvre doit inciter à la participation, susciter l'intérêt. Si l'interacteur s'implique dans une fiction, c'est pour devenir un agent et non pas un patient : explorer le monde, effectuer des actions, résoudre des problèmes, compétitionner avec des ennemis, etc.

La destinée est créee dramatiquement en étant «agie» plutôt que racontée. Il s'agit d'un «agir» autotélique (finalité pour soi-même) plutôt que dirigée vers les spectateurs.

Dans un contexte d'interactivité l'intrigue doit reposer sur la modularité, soit la composition de multiples séquences et objets autonomes qui peuvent être utilisés dans plusieurs contextes, combinés de plusieurs façons et même transformés durant la représentation.

Il y a réarrangement des mêmes unités dans de nouvelles configurationsce qui provoque des interprétations différentes.

L'intrigue repose alors sur un réseau de possibilités plutôt qu'une séquence d'événements.

Les séquences de résumé et d'évaluation de la progression de l'intrigue du récit séquentiel est remplacé par des indicateurs de progression : les points accumulés, le nombre de vies, l'inventaire, etc.

Cette interaction entre le « schéma narratif » et l'interacteur peut prendre différentes formes selon les modalités narratives adoptées :

Récits arborescents

Comme pour le récit filmique et littéraire, l'intrigue des récits arborescents est basée sur la temporalité et est autoritaire, l'enchaînement des séquences est déterminée à l'avance.

Dans le cas des récits arborescents, les règles de l'intrigue du récit peuvent être reconduites, mais en prévoyant des alternatives concomitantes aux événements remarquables.

Récits topographiques

Plutôt qu'une intrigue basée sur la temporalité, le récit topographique repose sur une structure spatiale.

L'intrigue est préétablie par le concepteur, le rôle de l'interacteur est d’actualiser ou de reconstituer les différents événements la constituant, ceci au fur et à mesure de sa progression dans l'espace du récit.

La navigation permet le réarrangement des mêmes unités dans des configurations différentes.

Les fragments sont réordonnés lors de l'interprétation par la découverte des relations de présupposition, de causalité matérielle, de motivation psychologique et de temporalité au fur et à mesure de la navigation, l'intrigue est reconstituée.

Récits autogénératifs

Dans le cas des récits autogénératifs, une approche du récit basée sur le conflit s'avère réductrice en regard de la liberté fournie par l'interactivité.

Une approche du récit basée sur le personnage, privilégie l'expérience directe plutôt que la représentation d'actions que ce soit la «mimesis» ou la «diegesis».

L'intrigue évolue en temps réel à partir des actions des personnages conditionnées par leur personnalié, mais assujetties aux intentions de l'interacteur qui les dirige.

L'interacteur dirige la trajectoire d'un personnage choisi et selon le choix, l'histoire évolue différemment : de l'information différente est donnée, ce qui induit une compréhension différente.

L'intrigue peut mettre en scène trois grands axes d'évolution en relation avec les personnages :

L'intrigue est émergente, elle est le résultat du processus dynamique de l'interaction entre les différents personnages et leur impact sur l'interacteur.

Les motivations doivent pouvoir être déduites des comportements.

Des contraintes doivent être introduites pour maintenir la logique.

Habituellement les personnages jouent un rôle dans le déroulement des actions, parfois les actions sont déterminées par des options morales manifestées par les personnages dans des dialogues, par le choix de réponse.

Dans ce type de récit, l'interacteur dispose d'un plus grand degré de liberté, il peut altérer l'intrigue voire générer sa propre intrigue. Une partie du contenu est donc indéfinie. Il s'agit d'une une interactivité proactive. Le futur est produit par le passé.

Degré de liberté dans l'organisation à l'intérieur d'un cadre régulé. Équilibre entre la liberté et les règles.

Les jeux d'aventure ont pour base l'intrigue archétypale de la quête du héros qui s'étire dans le temps et est de nature répétitive. Elle est découpée en niveaux, épisodes ou cycles d'actions avec la même structure.

L'interacteur doit avoir conscience que son action est déterminante, il doit savoir ce qui est prévu par le programme et savoir ce qu'il cause par son action.

L'interacteur par ses propres actions construit le récit et sa propre histoire. Le projet dramatique d'un auteur est complété par l'intérêt, la satisfation et le plaisir éprouvé par l'expérience vécue de l'interacteur.

La signification est suspendue, elle ne sera disponible que lorsque la quête sera achevée par un regard rétrospectif de l'interacteur sur sa performance.

Par exemple un jeu de course : la forme du tracé des pistes courses, les obstacles proposés, les interventions ponctuelles de concurrents à certains passages, etc., sont autant d’éléments de narrativisation.

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