Études en communication : aspects épistémologiques, méthodologiques et critiques

constructivisme radical

 

Ernst Von Glaserfeld (1917 -)

psychologue professeur de psychologie cognitive à l’Université de Géorgie [USA] s’est consacré depuis 1970 au développement de la théorie constructiviste du savoir fondée par Piaget

pose que toute réalité est construite et n'existe pas en soi

remet en cause tout apprentissage guidé de l'exérieur et est donc difficilement applicable à l'enseignement, contrairement aux deux autres courants

rejet de tout ontologisme ou réalisme métaphysique

le constructivisme radical se veut une théorie du savoir ou de la connaissance et non une théorie de l’être

radicalise les fondements constructivistes

« connaissance n'est connaissance que si elle reflète le monde tel qu'il est »

la connaissance n’est pas une image du monde réel mais une clé ouvrant des voies de pensée et d’action possibles

constatation qu'entre la connaissance et la réalité, il y a une distinction majeure, fonctionnelle, entre les concepts de « correspondance » et celui de « convenant »

«Alors que l'épistémologie traditionnelle comme la psychologie cognitive considère cette relation [connaissance et réalité] comme une correspondance plus ou moins figurative (iconique), le constructivisme radical la conçoit comme une adaptation au sens fonctionnel »

« Introduction à un constructisme radical », dans Jonnaert, P. et Masciotra, D. (dir.),
Constructivisme, choix contemporains, hommage à Ernst von Glasersfeld
, 2004, p. 16.

pense la réalité cognitive comme fonction de la vie à travers une analogie de la théorie de l'évolution

sélection de ce qui est viable et de ce qui ne l'est pas

viabilité

non pas comme la justesse dans le temps d'une certaine manière de penser le monde

mais plutôt comme l'adaptation à un moment donné d'une pensée comme limitant les possibles

pour permettre un ajustement de la pensée selon les besoins et les commodités

« ... On jugera “ viable ” une action, une opération, une structure conceptuelle ou même une théorie tant et aussi longtemps qu'elles servent à l'accomplissement d'une tâche ou encore à l'atteinte du but que l'on a choisi. Ainsi, au lieu de prétendre que la connaissance puisse représenter un monde au-delà de notre expérience, toute connaissance sera considérée comme un outil dans le domaine de l'expérience. Comme l'affirmait Piaget (1967), la connaissance ne vise pas à produire une copie de la réalité mais elle sert plutôt à l'“ adaptation ” ».

Pourquoi le constructivisme doit-il être radical?, 1994, p. 22

 

il n'y a aucune connaissance absolument certaine

les idées, les théories, les modèles sont constamment confrontés au monde de l'expérience et à celui de la résistance et d'une non-résistance face à ce monde

« l' intelligence [ ... ] organise le monde en s'organisant elle-même » (p. 20)

l'humain est un organisme vivant qui organise, qui réalise une mise en ordre, qui coordonne les pensées selon les expériences

« [u]ne telle radicalisation témoigne d'une rupture avec la notion traditionnelle selon laquelle toute connaissance humaine devrait ou pourrait s'approcher d'une représentation plus ou moins vraie d'une réalité indépendante ou ontologique » (p. 148)

métaphore de la forêt :

« Un touriste aveugle qui désire atteindre le fleuve situé au-delà d’une forêt pas trop dense, peut trouver entre les arbres plusieurs chemins le conduisant à son objectif. Même s’il marchait mille fois et marquait dans sa mémoire tous les chemins choisis, il n’aurait pas une image de la forêt, mais un réseau de voies qui conduisent à l’objectif visé, parce que précisément elles évitent avec succès les arbres de la forêt. Du point de vue du touriste, dont la seule expérience consiste dans la marche et dans des heurts sporadiques, ce réseau ne serait ni plus ni moins qu’une représentation des possibilités réalisées jusque là pour atteindre le fleuve. A supposer que la forêt ne se transforme pas trop vite, ce réseau montre au voyageur de la forêt par où il peut passer. Mais au sujet des obstacles entre lesquels tous ces chemins praticables se trouvent, il ne lui dit rien, sauf qu’ils ont justement empêché sa marche ici et là. En ce sens le réseau ‘convient’ à la forêt ‘réelle’, mais l’environnement que le touriste aveugle vit ne contient ni forêt ni arbres comme un observateur extérieur pourrait les voir. Il ne contient que des pas que le touriste a effectués avec succès et des pas qui se sont heurtés à des obstacles. »

L'approche constructiviste, 1985, p. 1

le concept de réalité ne peut être défini par nous qu’à travers des obstacles

les succès récoltés par nous au point de vue scientifique et technique ne sont pas la garantie que nous possédions ne serait-ce qu’une partie de l’image du monde tel qu’il est,

mais ils indiquent seulement que certains des obstacles qui font le monde ont jusque là été évités avec succès par nous,

nous permettant ainsi d’atteindre certains de nos objectifs

il s’agit dans notre connaissance, d’un « savoir comment » et non d’un « savoir quoi »,

la différence entre les deux correspondant à peu près à celle entre

« pouvoir » (traverser la forêt et atteindre le fleuve)

et « savoir » (ce qu’il y a entre le début de la forêt et le fleuve)

conférence à l'Université Laval en 1991

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